Ayant réfuté, dans De la connaissance historique, la thèse positiviste selon laquelle l'histoire est une science exacte, et soutenu la thèse de la subjectivité fondamentale de l'historien ( " la position consciente ou non assumée par l'historien oriente par avance le développement de son travail" ), Henri Marrou qui se veut un simple "praticien de l'histoire" inscrit pourtant son historiographie dans un vaste ensemble philosophique et ne perd pas de vue qu'il existe un sens de l'histoire.
Longtemps avant la parution du livre Théologie de l’histoire en 1968, Marrou mûrit une réflexion sur le sens de l’histoire tel que peut l’entrevoir le chrétien historien qu’il est, familier des Écritures et de la pensée de Saint Augustin, et contraint par là-même à se faire théologien.
Entre 1940 et 1968, plusieurs conférences et allocutions traitent de la fécondité de la religion chrétienne dans le temporel, particulièrement celle donnée dans le cadre des « Conférences Albert Legrand » de Montréal ( 14 novembre 1950) d’où est tiré l’ouvrage L’Ambivalence du temps de l’histoire chez saint Augustin ( 1950, Montréal, Institut d’Études médiévales / Librairie J. Vrin , 84 p.) Cette réflexion alimente aussi les séminaires animés par Marrou à la Sorbonne , particulièrement en 1951 sur le sujet « la théologie de l’histoire », et en 1965-1966, séminaire centré sur la théologie de l’histoire chez saint Augustin. Lors du congrès Augustinus magister ( septembre 1954) le rapport final de Marrou a pour titre « Théologie de l’histoire ».
Document essentiel, un « cahier romain » manuscrit de 162 pages qui s’intitule « Préparation à la Théologie de l’histoire », déposé au Palais Farnèse et analysé par O. Pasquato : ce cahier est ouvert le 20 juin 1940, on y voit se perfectionner le projet annoncé par son titre, et le surgissement en 1950 de l’idée « le christianisme ne crée par les civilisations, il les sauve. »
Dans les Carnets posthumes, quelques rubriques du Carnet XII trahissent l’auto-réception insatisfaite de son livre par Marrou lui-même et la poursuite de sa méditation, notamment sur la « tension dialectique entre Eglise et Royaume. Voir notamment XII-68 ( « Commençons la Retractatio de la Théologie de l’histoire… » et XII-70 ( « lente redécouverte … ») .
Théologie de l’histoire est le titre du livre d’Henri Marrou paru en 1968 ( Editions du Seuil), réédité en 2006 ( Editions du Cerf). Nous reproduisons ici sa quatrième de couverture rédigée par l’auteur :
« L’histoire a-t-elle un sens ? À cette question, l’historien de métier sait ne pas pouvoir répondre : toute son expérience conteste ces philosophies qui ont prétendu totaliser le devenir de l’humanité et en donner raison.
Le chrétien s’interroge alors sur le contenu de sa foi : si l’histoire nous apparaît dans une telle confusion, c’est peut-être qu’elle n’est pas intelligible au niveau de l’horizon terrestre ; si l’homme est cette créature faite pour Dieu, sa véritable histoire est celle de l’humanité en marche vers son accomplissement eschatologique.
De cette histoire nous vivons la dernière phase, celle du « temps de l’Eglise », qui voit le recrutement du peuple des saints, l’édification de la Cité de Dieu, la croissance du Corps du Christ. Ce progrès, le seul véritable progrès dont celui des modernes n’est qu’une transposition parfois caricaturale, s’accomplit au sein d’une lutte avec les puissances adverses : le temps vécu, de l’histoire, est marqué d’une ambivalence radicale ; il ne nous est pas donné de déchiffrer dans le détail ce mystère de l’histoire.
Il paraît alors possible de dégager les principes d’une spiritualité de l’homme chrétien embarqué dans l’histoire, d’exprimer comment peut être attendu, mais aussi « hâté » l’avènement du Jour du Seigneur, ainsi que nous le prescrit la II° Épitre de Pierre ( 3, 12). »
Document essentiel, un « cahier romain » manuscrit de 162 pages qui s’intitule « Préparation à la Théologie de l’histoire », déposé au Palais Farnèse et analysé par O. Pasquato : ce cahier est ouvert le 20 juin 1940. On y voit se perfectionner le projet annoncé par son titre, et en particulier le surgissement en 1950 de l’idée « le christianisme ne crée par les civilisations, il les sauve. »
Dans les Carnets posthumes, quelques rubriques du Carnet XII trahissent l’auto-réception insatisfaite de son livre par Marrou lui-même et la poursuite de sa méditation, notamment sur la « tension dialectique entre Eglise et Royaume". Voir notamment XII-68 ( « Commençons la Retractatio de la Théologie de l’histoire… » et XII-70 ( « lente redécouverte … ») .
Théologie de l’histoire est le titre du livre d’Henri Marrou paru en 1968 ( Editions du Seuil), réédité en 2006 ( Editions du Cerf). Nous reproduisons ici sa quatrième de couverture rédigée par l’auteur :
« L’histoire a-t-elle un sens ? À cette question, l’historien de métier sait ne pas pouvoir répondre : toute son expérience conteste ces philosophies qui ont prétendu totaliser le devenir de l’humanité et en donner raison.
Le chrétien s’interroge alors sur le contenu de sa foi : si l’histoire nous apparaît dans une telle confusion, c’est peut-être qu’elle n’est pas intelligible au niveau de l’horizon terrestre ; si l’homme est cette créature faite pour Dieu, sa véritable histoire est celle de l’humanité en marche vers son accomplissement eschatologique.
De cette histoire nous vivons la dernière phase, celle du « temps de l’Eglise », qui voit le recrutement du peuple des saints, l’édification de la Cité de Dieu, la croissance du Corps du Christ. Ce progrès, le seul véritable progrès dont celui des modernes n’est qu’une transposition parfois caricaturale, s’accomplit au sein d’une lutte avec les puissances adverses : le temps vécu, de l’histoire, est marqué d’une ambivalence radicale ; il ne nous est pas donné de déchiffrer dans le détail ce mystère de l’histoire.
Il paraît alors possible de dégager les principes d’une spiritualité de l’homme chrétien embarqué dans l’histoire, d’exprimer comment peut être attendu, mais aussi « hâté » l’avènement du Jour du Seigneur, ainsi que nous le prescrit la II° Épitre de Pierre ( 3, 12). »
À paraître prochainement, dans "Cahiers Marrou" numéro spécial Saulchoir 2011 , l'article de Philippe Blaudeau " La Genèse de Théologie de l'histoire".